THE LENGTH OF MY GAZE AT NIGHT
Les œuvres de Minia Biabiany (films, installations, sculptures) s’ancrent dans son expérience de femme guadeloupéenne. Elle revendique un travail situé. Ici ce sont des histoires imbriquées, avec l’eau comme élément et les océans comme espace porteur d’une mémoire qu’elle interroge, depuis la Guadeloupe, terre marquée par l’esclavage et la colonisation. Comme énoncé au détour d’une des phrases qui s’impriment sur l’image et qui ponctuent le film, la mer « a un goût d’ancêtres ». Mer chargée d’Histoire, Atlantique noir, pour reprendre le titre éloquent de Paul Gilroy. De cette histoire, il s’agit d’honorer les fantômes. Ainsi se déploie ce film-poème où perception et imagination « sont les mêmes ». Sans démonstration, Minia Biabiany s’empare de ces paradoxes pour en faire l’enjeu du film, jouant avec les renversements qu’elle opère, réels ou métaphoriques, du dessus au-dessous, des sons au silence, du visible à l’invisible. Le silence fait l’étoffe première et singulière du film, silence qui serait celui des océans, des morts, et de l’Histoire. Touche après touche, Minia Biabiany esquisse ces multiples strates par des plans chargés d’une intensité mutique, énigmatique et sensorielle. Ce parti pris est renforcé par le déplacement du point de vue, où insectes, plantes et humains entrent en échos dans un monde commun. On retrouve ces connexions à l’œuvre dans les magnifiques images dessinées à la craie sur tableau noir, qui semblent répondre aux gestes de préparation d’un kwi, récipient traditionnel. L’arrimage de fragments lacunaires qui constituent le film prolonge un jeu d’échos et de transmission, afin de renouer avec « les lignes rompues de l’histoire ». Ce fil ténu est rendu possible par l’extension du regard au-delà du visible, comme nous y invite le titre.
(Nicolas Feodoroff)
Fiche technique
Version originale : anglais
Sous-titres : français
Scénario : Minia Biabiany
Image : Minia Biabiany
Montage : Minia Biabiany
Son : Minia Biabiany
Production : Minia Biabiany.
Filmographie :
learning from the white birds, 2021
musa, 2020
pawòl sé van, 2020
toli toli, 2018
blue spelling, 2016.