SIGNAL GPS PERDUGPS SIGNAL LOST
« J’ai vu une biche », dit une voix masculine à l’orée du film. Le ton de la voix et le crissement des pas dans la neige situent le corps dans un paysage hivernal, sa marche tendue vers l’animal. Le spectateur, lui, ne voit rien que le paysage, courbes sombres des montagnes découpées sur le ciel. Le grain de la pellicule 8mm noir et blanc s’allie à la brume hivernale pour estomper le visible en nuances de gris. Cette captivante ouverture formule la question hautement poétique qui sous-tend le film de Pierre Voland. Faut-il désirer voir l’objet de son désir ? Avec quels yeux ? Touche-t-on jamais au but de sa quête ? Image et son, eux, paraissent ne pas vouloir se toucher, ni les trois quêtes que tresse le cinéaste dans cet écart. Première quête : le pistage des animaux sauvages, l’hiver, dans la forêt enneigée. Seconde quête : celle du chevalier après sa Reine, au fil d’une splendide récitation en ancien français d’un épisode du Chevalier de la Charrette, le chef d’œuvre de Chrétien de Troyes. La troisième quête, plus charnelle, a lieu dans l’espace virtuel d’une application de drague homosexuelle, inventée pour l’occasion par le cinéaste. Les échanges de messages sur l’écran noir du téléphone alternent avec la transcription en français moderne des vers de Chrétien de Troyes, imprimée sur les splendides vues noir et blanc du Jura. Dans cet écart vertigineux entre les siècles, entre l’origine de la littérature française et la messagerie numérique, les mots commencent à passer, s’échanger. Ceux de l’amour courtois, de la quête mystique finissent par avoir raison du désir charnel, les paysages d’aujourd’hui devenir ceux de l’aventure médiévale. Aucune géolocalisation ne conduit à l’objet du désir. Telle est la leçon du poème : il faut s’égarer, perdre le signal, la vue et, comme Lancelot, jusqu’au souvenir de son nom. Alors, chevalier amoureux, on peut marcher pieds nus sur le fil de l’épée. Alors qui sait, au bout du chemin, verra-t-on des chevreuils s’ébrouer dans la neige. (Cyril Neyrat)
Fiche technique
Version originale : français
Sous-titres : anglais
Scénario : Pierre Voland
Image : Pierre Voland
Montage : Sébastien Demeffe, Pierre Voland
Son : Pierre Voland, Cyril Mossé, Thomas Ferrando
Production : Ellen Meiresonne (Atelier Graphoui)
Distribution : Valéria Musio (Atelier Graphoui).