Os canibais

Manoel de Oliveira

Le signe de la fatalité chez Manoel de Oliveira trouve ici son expression la plus occulte et exquise. Un Oliveira enfin reconnu et décoré par tout le monde, et qui tourne déjà en vitesse de croisière (un film par an) depuis l’extraordinaire Soulier de Satin (qui lui vaut un Lion d’Or spécial à Venise), découvre en 1988 une autre « vierge », Margarida, jouée par une inconnue qui allait devenir sa muse improbable: Leonor Silveira. L’histoire ? Une douce âme qui méprise l’amour d’un homme ne supportant pas de ne pas être aimé, tombe amoureuse d’un autre – un mystérieux comte qui l’épouse. Mais celui-ci a un terrible secret que la pauvre ne découvre, avec horreur, qu’à la nuit de noces. Cela dit, si Os Canibais convoque à fond tous les « amours frustrées » précédents (à un tel point qu’il pourrait même appartenir à la fameuse tétralogie), tout ici propose un autre sens. Il s’agit d’un film-opéra, chanté par des interprètes et joué en play back par les acteurs selon le libretto composé pour le film par João Paes, l’auteur des anachroniques partitions contemporaines de Benilde ou a Virgem Mãe, Amor de Perdição et Francisca ». Son texte ? Celui d’un écrivain de contes fantastiques du XIXe peu connu, Álvaro Carvalhal. Oliveira croise le rire et la peur, qui ne peuvent venir que du violon diabolique de Paganini, lui aussi appelé au carnaval de cette farce macabre. Et signe un film d’horreur, un de ses films les plus libres, sublimé par une ironie suprême. (FF)

Fiche technique

ÉCRAN PARALLÈLE  / MANOEL DE OLIVEIRA FRÔLER L’ÉTERNITÉ

Portugal, 1988, Couleur, 35mm, Dolby, 98’

Version originale : Portugais
Scénario : Manoel de Oliveira d’après un roman de Alvaro Carvalhal
Image : Mário Barroso
Montage : Manoel de Oliveira, Sabine Franel
Son : Joaquim Pinto, Gil Bast
Avec : Luis Miguel Cintra, Leonor Silveira, Diogo Doria,
Oliveira Lopes
Production : Paulo Branco, Paulo de Sousa