O passado e o presente

Manoel de Oliveira

Vanda a une relation insupportable avec les hommes qu’elle épouse : elle ne les aime qu’après qu’ils soient morts, à un tel point que chaque nouveau mari vit toujours hanté par la mémoire du précédent. La veine nécrophile de cette femme bourgeoise, on l’a découvre tandis que Vanda reçoit chez elle la visite de trois couples amis, face à ses domestiques étonnés qui ne disent pas un mot mais voient tout. Adaptation d’une pièce de Vicente Sanches qui a fait basculer les moeurs de son époque, ce film capital pour Manoel de Oliveira, premier panneau de la « tétralogie des amours frustrées » et si différent des trois autres volets – car c’est une comédie que se joue ici – va lancer des questions décisives, notamment celle du pouvoir des femmes face à la faiblesse des hommes. Mais le plus important est sans doute ce qui se passe dans le jeu des acteurs, la plupart amateurs : violemment antinaturaliste, c’est avec ce fi lm que Oliveira va imposer une théâtralité de la représentation ostensiblement fantomatique où les acteurs regardent souvent la caméra. Les acteurs ne représentent pas quand ils jouent. Qu’est-ce qu’ils font alors ? Ils présentent, plutôt. Quoi ? Ce qu’Oliveira leur demande : portrait, acte. Dans ce film en particulier ? L’acteur, en tant que figurant de soi-même. L’acteur, toujours filmé avant le personnage. O passado e o presente n’allait pas créer une école mais ces questions se poseraient encore et sans cesse comme un miroir dans tous les films suivants, surtout ceux qui montrent plus clairement leurs entrailles et les réflexions du cinéaste sur son propre métier. Oliveira dit : « Parfois les gens me demandent pourquoi je mélange acteurs professionnels et amateurs. Réponse simple : les bons acteurs ne représentent pas, les amateurs non plus ! Les premiers l’ont oublié, les deuxièmes ne l’ont jamais appris ».
Mais retournons à O passado e o presente, en tout un film de jeunesse. En 1971, quatre décennies après son premier film – et des dizaines qui ont été écrits sans jamais sortir du tiroir, Oliveira, imaginez-vous, ne tournait que son troisième long-métrage, toujours sous le régime fasciste qui approchait de sa fin. La génération du Cinema Novo (Paulo Rocha, Fernando Lopes, etc), qui a toujours reconnu Oliveira comme la seule figure tutélaire dans le cinéma portugais, l’a aidé – l’argent de la Fondation Gulbenkian aussi. L’homme qui avait été sifflé depuis 1931 est alors à l’origine d’un scandale inouï dans le cinéma portugais et devient, plus que jamais, une tranchée de combat, dont la défense de César Monteiro fut célèbre : « Comme tous les grands films révolutionnaires, celui-ci a aussi le pouvoir de démasquer les imbéciles ».
(FF)

Fiche technique

ÉCRAN PARALLÈLE  / MANOEL DE OLIVEIRA FRÔLER L’ÉTERNITÉ

Portugal, 1971, Couleur, 35mm, 115’

Version originale : Portugais
Scénario : Manoel de Oliveira d’après la pièce de Vicente Sanches
Image : Acacio de Almeida
Musique : Felix Mendelssohn
Montage : Manoel de Oliveira
Avec : Maria de Saisset, Barbara Vieira, Manuela de Freitas, Pedro Pinheiro
Production : Manoel de Oliveira
Distribution : Hors champ