O meu caso

Manoel de Oliveira

Que veut-il, cet inconnu que l’on reconnaitra plus tard sous la peau du Job de l’Ancien Testament, lui qui envahit ce théâtre de boulevard d’où l’on ne sortira pas ? Et cette salle, qui n’a pas encore, apparemment (et dans ce fi lm fait de répétitions à notre tour de répéter: apparemment) de spectateurs, pourquoi semble-t-elle si vide ? Mais non, ces spectateurs, on les avait déjà vus. Ils étaient assis devant la scène au générique de début: c’est une équipe de cinéma, le réalisateur parmi eux qui ordonne le clap. L’inconnu, Luis Miguel Cintra, veut présenter « son cas » dont on ne saura jamais de quoi exactement il retourne. Avec lui, se joue (encore) une autre pièce, signée par José Régio et adaptée par Manoel de Oliveira. Le rideau monte, la caméra tourne, un écran apparaitra derrière le rideau et la vidéo, à la fin, montrera le film tourné, la pièce jouée. Le cinéma, registre audiovisuel du théâtre ? Le théâtre et le cinéma, la même chose ? Le cinéma n’existerait pas car ce qu’il y aurait pour de vrai, ce serait le théâtre ? Posons des guillemets autour des trois interrogations, car c’est bien lui, Oliveira, qui parle. Pendant le tournage, du théâtre, il nous donne sa gravité, du cinéma, ses artifices. Il tourne aussi cette fusion et son envers, l’exposition de cette mécanique, son rituel. Et une équipe de cinéma qui devient avec nous les spectateurs de ce qu’elle-même est en train de créer. Mon Cas, un des plus beaux, denses et méconnus Oliveira, est le film où le désordre entre le théâtre et le cinéma fait appel à l’absurde (Beckett) pour retourner à la parole ancienne et sacré : le Livre de Job. Un film fait de trois tableaux et trois moments-clés : La Joconde, Guernica, La Ville Idéale. Un film autour de la perte de la logique et du deuil de cette perte. Risquons : le film d’un chaos, qui trouve la foi.
(FF)

Fiche technique

ÉCRAN PARALLÈLE  / MANOEL DE OLIVEIRA FRÔLER L’ÉTERNITÉ

France, Portugal, 1986, Couleur, 35mm, Stereo, 92’

Version originale : Portugais
Scénario : Manoel de Oliveira d’après une pièce de José Régio, des extraits de Pour en finir et autres foirades de Samuel Beckett et le Livre de Job
Image : Mario Baroso
Montage : Rodolfo Wedeless, Manoel de Oliveira
Son : Joaquim Pinto
Avec : Bulle Ogier, Luís Miguel Cintra, Axel Bougousslavsky
Production : Paulo Branco