O PINTOR E A CIDADE
LE PEINTRE ET LA VILLE
Manoel de Oliveira
Portugal, 1956, Couleur, 35mm, Mono, 27’
Version originale : Portugais
Scénario, image, montage : Manoel de Oliveira
Musique : Rév. Luis Rodrigues, Rebelo Bonito, Orphéon de Porto,
dir Vergilio Pereira.
Son : Joaquim Amaral, Alfredo Pimentel
Avec : Antonio Cruz
Production : Manoel de Oliveira
Suivi de:
OLIVEIRA – L’ARCHITECTE
Paulo Rocha
Portugal, France, 1993, Couleur, Vidéo, 60’
Version originale : Portugais
Montage : Vitor Moreira
Musique: Paulo Brandao
Avec : Manoel de Oliveira, João Bénard da Costa, Leonor Silveira
Production : Paulo Rocha
Pendant la sombre décennie que furent les années 50 pour le cinéma portugais, Oliveira traverse un long désert. Des dizaines de projets de films, dont un chef d’œuvre qu’il ne tournera que 60 ans après – Angélica – sont refusés et restent dans les tiroirs. Décidé à ne pas quitter le cinéma, même s’il fallait le faire tout seul, il part pour l’Allemagne en 1955, faire un stage de photographie à Leverkusen, aux laboratoires d’Agfa, puis un autre, dans l’usine qui fabriquait les caméras Arriflex, et s’achète du matériel. Le court O Pintor e a Cidade, tourné un an après, sera sa première expérience en couleurs et lui vaudra son premier prix international, à Cork (Irlande). C’est un film en rupture totale avec le passé, suivant le travail et le regard du grand peintre du Porto spécialisée dans l’aquarelle, António Cruz (et encore un fi lm sur Porto). Les plans deviennent plus longs, les cadres plus exigeants, composés comme un tableau ; les images sont organisés par le flux du son, toute une durée qui se renouvelle et dont parle le second film présenté dans cette séance : ce cinéma s’éloigne comme jamais et pour toujours de la pure reproduction du réel, c’est un « miracle » de modernité face à son temps (1956).
Oliveira, l’Architecte, est une autre visite et le seul film de ce programme à ne pas être signé Oliveira. Le grand Paulo Rocha, lui aussi de Porto, l’a réalisé pour la série « Cinéastes de Notre Temps », en 1993, alors qu’Oliveira était en train de lancer le tournage de Vale Abraão. De celui-ci, Oliveira parle un peu, à l’entrée de la Cinémathèque Portugaise, avec João Bénard da Costa, l’homme qui a le plus aimé son cinéma et qui, de Vale Abrãao, veut évidemment tout savoir. Mais c’est curieux : la grande veine romantique de Oliveira (Benilde ou a Virgem Mãe, Amor de Perdição, Francisca …) n’est pas très cadré ici. Rocha semble éclairer d’autres choses. À lui la parole: « je ne voudrais rien de didactique, de portrait explicatif. Je voudrais un bouquet de fleurs empoisonnées, une salve d’applaudissements pour le vieux maître cannibale. Après le vampire apaisé, lui voler confidences et ironies, une promenade lyrique par les cavernes de la mémoire, entre pirouettes, éclats de rire et gouttes de sang. » Il y a, c’est évident, une complicité délicieuse entre les deux cinéastes, maître et disciple, tant d’années « plus tôt » et « plus tard » souligné par Oliveira dans son film Visita ou Memórias e Confissões, où il déclare son admiration pour Rocha et son cinéma. Et on n’appelle pas Vale Abraão par hasard. Il se trouve que, entre les archives des films d’Oliveira que Rocha nous montre et les conversations entre les cinéastes, la complicité va admettre aussi une vampirique provocation, avec la connivence de Maria Isabel, lorsque Rocha invite Leonor Silveira, elle qui était déjà muse de Oliveira est sur le point de devenir Ema (Vale Abrãao), magnifique et toute habillée en rouge, à leur rendre une visite surprise !
(FF)