Todo lo que se olvida en un instante
Autoportrait d’un homme tiraillé entre deux langues et deux villes, essai d’urbanisme comparé, histoire critique de l’impérialisme états-unien en Amérique du Sud, éloge de l’émigration, hommage au père, méditation sur la filiation, etc. Comment tout faire tenir en 1h10 ? En faisant du tiraillement la matrice d’une forme filmique et d’une expérience de spectateur étourdissantes. Richard Spunthoff commence par se présenter sommairement : né à New York, installé en 2012 à Buenos Aires, cinéaste, traducteur et sous-titreur. De son gagne-pain, il confesse une piètre opinion : «même les meilleurs sous-titres sont foireux, parce qu’on lit au lieu de regarder les images ». Par un paradoxe génial, c’est en compliquant la tâche du spectateur qu’il lui rend sa liberté. Comment ? En autorisant voix et texte à parler alternativement dans les deux langues, et en libérant les sous-titres de l’obligation de traduire ce que l’on entend. Lorsque la voix off commence un récit en espagnol, il arrive que les sous-titres traduisent, mais il peuvent aussi commenter, ouvrir une parenthèse, raconter en anglais une autre histoire. Les langues se croisent entre dit et écrit comme les voitures sur les autoroutes urbaines qui lacèrent Buenos Aires. Shpuntoff dit qu’il est difficile de savoir si la vie est un récit linéaire ou circulaire. Quant au film, c’est les deux, jusqu’au vertige, tant le flot de la pensée ne cesse de se retourner sur lui-même, de multiplier les tourbillons. Les écarts et rapports entre image, texte et voix varient à l’infini, leur tiraillement fait du spectateur un traducteur tous azimuts. L’exercice de l’intelligence en tant que production de rapports est, selon Barbara Cassin, la vertu du bilinguisme. Todo lo que se olvida in un instante serait le premier film rigoureusement bilingue. (C.N.)
Richard Shpuntoff
Fiche technique
Version originale : espagnol, anglais.
Sous-titres : anglais, espagnol.
Image : Richard Shpuntoff.
Montage : Richard Shpuntoff.
Design sonore : Luciana Foglio.
Design image : Luján Montes.
Avec : Harry Shpuntoff, Guillermo Saavedra, Jenny Goldstein, Don Bodie, Miranda Svirsky, Sara Shpuntoff LLobet, Rachel Shpuntoff LLobet.
Production : Tostaki (Nadia Jacky).
Distribution : Richard Shpuntoff.
Réalisateur

Filmographie
- Julio of Jackson Heights, 2016.
- Epiphany of Returning, 2015.
- In Queens my ambitious soul I bare, 2012.
- The Body, 2011.
- El Grand 97, 2001.
- Morning Dance, 2001.
- As I went out one morning ..., 2000.