Tout un film tramé sur un seul mot : « Tamaran ! » La première fois qu’on l’entend, c’est au téléphone, le père d’Hinako pestant contre un typhon : « Tamaran ! », « insupportable ! ». La deuxième fois, c’est dans le titre d’un livre que tend le libraire à l’étudiante en quête d’ouvrages sur les « villes natales » : Tamaran Hill. L’adjectif est devenu nom propre – un nom très suggestif et profond », ajoute le libraire. Sur le quai puis dans le train qui la ramène chez elle, Hinako lit. Immédiatement, la lecture se met à réfléchir sa vie, les phrases l’entraînent sur le chemin de ses origines, du passé familial et de ses douleurs. Raconter, figurer cette réflexion par le jeu des ricochets entre phrases et plans, sons et images : tel est le défi du film, qu’il relève en déployant la plus généreuse, audacieuse et rigoureuse inventivité plastique et narrative. Les mots s’animent, le passé se ranime au crayon dans la blancheur qui associe image et page, change l’une en l’autre. Comment passe-t-on d’un mot à un film ? Par le livre et sa lecture, donc ; par la succession des livres où Hinako suit la trace du mot « tamaran » et de sa polysémie. Le roman japonais Tamaran Hill est à l’origine du film de Tadasuke Kotani. Son auteur, Seiji Kuroi, y fait une apparition, le temps de confier à l’étudiante son credo d’écrivain : « les personnages sont faits de mots. Les mots ont leur propre vitalité, chaleur et puissance. Les personnages naissent des actions de tels mots ». Parce que Kotani a osé prendre au mot l’écrivain, son film est tout autre chose qu’une adaptation littéraire : un essai follement ambitieux et totalement maîtrisé de traduction de la littérature en cinéma. Car « la traduction est une forme » (W. Benjamin), et l’auteur de Tamaran Hill appartient à l’espèce rare des vrais inventeurs de forme. Son invention ? Un film d’action dont le héros est un mot. (C.N.)
Tadasuke Kotani