BEATRIX

Lilith Kraxner Milena Czernovsky
Qui est Beatrix ? ou plutôt : que fait Beatrix ? Jouer, rêvasser avec un énorme ballon, regarder distraitement la TV, laver, arroser le jardin, prendre un bain, croquer du raisin, recevoir des amis, observer de menus détails du monde qui l’entoure. Et, peut-être, surtout ne rien faire. Passer le temps, dans une maison vide, en été. Pour ce premier opus, Lilith Kraxner & Milena Czernovsky s’emploient à un art du portrait où rien n’est expliqué, où il s’agit d’abord, loin des mots, de lier un corps à un décor, un corps à un possible récit. Et le film d’ouvrir des pistes, d’esquisser des situations, des amorces du désir. Un portrait aux cadres au cordeau, déplaçant notre attention vers une main, un coin de table, un morceau de mur. Ainsi se dessine peu à peu le projet du film : décadrer, ne jamais donner tout à voir, laisser les zones d’ombre, observer, non sans humour parfois, des gestes souvent à peine ébauchés, décrire par le détail sans refuser la trivialité. Nous sommes convoqués dans l’intimité de cette jeune femme solitaire, qui restera énigmatique. Voilà donc Beatrix surtout avec elle-même, le film traçant plan après plan le tableau intérieur d’une femme avec ses doutes, éludant toute explication. Un huis-clos où elle erre de pièces en pièces, la maison devenant, on l’aura compris, comme l’espace d’un devenir à habiter. Et aussi faire image, comme l’indique la scansion de scènes d’une Beatrix au miroir pourrait-on dire, ajustant là un vêtement, observant ici son corps. Trouver une place, faire image, ouvrir les possibles d’un récit.
(Nicolas Feodoroff)