Diego Hernández
Qui a vu Los Fundadores (FID 2021) sait que Diego Hernández transforme avec intelligence le peu de choses à sa disposition en un décor de cinéma, et les quelques amis qui l’entourent en d’exquis personnages. Il poursuit là sa fabrique artisanale dans un film littéralement « fait maison », tourné entre les murs de l’appartement où il était confiné avec sa mère durant plusieurs mois. Celle-ci, malicieuse et complice, se prête volontiers au jeu de la fiction, que le réalisateur s’amuse à instiller par touches, brouillant astucieusement les frontières du réel. Chauffe-eau cassé, anniversaire, demande en mariage, autant d’événements dont on ne sait s’ils viennent réellement bouleverser le quotidien ennuyé, mais qui sont, sans doute aucun, le signe d’une inventivité au travail et d’une intelligence de la mise en scène, aussi joyeuse qu’inspirée. (Louise Martin Papasian)
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AGUA CALIENTE
Diego Hernández
Entretien avec Diego Hernandez
Vous avez tourné ce film chez vous, pendant le confinement. Comment le projet est-il né, et combien de temps a duré le tournage ?
J’ai commencé à tourner en mars 2020, au début de la pandémie, sans intention précise. Je n’avais aucun scénario, et je cherchais surtout à tuer le temps et à m’amuser. J’avais acheté un minuscule objectif pour ma caméra et c’était l’occasion de l’utiliser : la caméra devenait un jouet. Je crois que le film vient vraiment de là, de cette volonté de jouer et de s’amuser malgré la difficulté du moment. L’exploration filmée de ma maison était aussi une nouvelle façon d’interagir avec mon espace domestique. Cette maison est encore en construction, et j’aimais bien cette idée d’inachèvement, que je mettais en lien avec ma propre vie, avec l’idée d’un âge intermédiaire, d’une transition vers l’âge adulte. Cela correspond à ce que je vis, et que le confinement rendait encore plus complexe.
Mais le film a vraiment commencé à prendre forme au moment où j’ai pointé l’objectif sur ma mère, Graciela. Le tournage avec elle a duré plusieurs mois, mais ce n’était pas comme un tournage classique. Il y avait des jours où je filmais beaucoup, et d’autres où je ne filmais pas du tout. Je voulais tourner pour le plaisir de tourner, sans cette pression du devoir qui accompagne les projets qu’on veut finir à tout prix. Beaucoup de scènes sont nées de la répétition : chaque soir, je regardais les images tournées dans la journée, et le lendemain je recommençais autrement. Je pouvais procéder de cette façon puisque j’avais tout mon temps. Il y a des films qui exigent beaucoup d’étapes préparatoires avant de commencer à tourner. Là, c’était un autre genre de cinéma, où tout commence au moment où l’on s’empare de la caméra.
Par ailleurs, j’ai eu l’occasion de développer mon projet dans le cadre d’ateliers en ligne avec Héctor Villanueva et Mariel Miranda, deux excellents professeurs qui sont aussi des amis.
Le film tourne autour de votre relation complice avec votre mère, Graciela, qui joue son propre rôle avec beaucoup de naturel et d’humour. Vous l’invitez directement à participer à la création du film, en imaginant des scènes avec elle. Quel souvenir gardez-vous de cette collaboration ?
J’ai commencé par documenter sa vie quotidienne. Et puis, petit à petit, je me suis mis à lui donner quelques indications, pour essayer de construire des scènes. Je me suis aperçu alors que plus elle s’amusait, plus elle devenait une bonne comédienne. Ma mère adore la comédie, et son humour joue un rôle essentiel dans le ton général du film.
Le projet était aussi une opportunité d’explorer ma relation avec elle. Quelquefois, je trouve difficile d’évoquer mon travail de cinéaste avec des gens qui sont en dehors de cet univers. Ce film était finalement la meilleure façon de lui parler de mon travail. Elle s’est investie volontiers, au point de proposer elle-même un certain nombre de scènes. Dans le film, on m’entend lui demander comment elle souhaite être filmée. Je trouvais cela important de la laisser libre de construire sa propre image. Nous nous sommes beaucoup livrés sur nos vies respectives, ce qui aurait pu être embarrassant, mais je demandais toujours à elle et à Melissa s’il y avait des choses qu’elles ne voulaient pas montrer. C’était un travail collaboratif.
Vous vous amusez à construire des scènes ludiques, en convoquant des éléments qui viennent perturber le quotidien et en jouant avec les limites de la fiction. Comment avez-vous abordé ce travail de mise en scène ?
Pendant le tournage, je me suis beaucoup interrogé sur le rôle que joue la fiction dans notre vie de tous les jours. Ce rôle, je crois que la pandémie l’a renforcé, et c’est un phénomène qui a beaucoup retenu mon attention. Finalement, alors que mon film est très réaliste et prosaïque, le public est quand même invité à questionner ce réalisme, à se rappeler qu’il s’agit malgré tout d’une construction fictive. Cette idée me plaît.
D’autre part, il me semble que le film avait besoin de cette fiction. Arrivé au milieu du montage, je ne savais plus comment finir. J’ai demandé à Melissa de m’aider à réécrire l’histoire de façon plus consciente. La fiction sert aussi à explorer les potentialités de nos propres vies.
Vous occupez à nouveau tous les rôles dans la production du film. Comment s’est passé le montage pour vous ?
Ce que je préfère dans le cinéma, c’est la fabrication. C’est pour cela que j’aime m’investir à tous les postes. Je montais le film en même temps que j’écrivais et que je tournais, c’était un processus simultané. Le cinéma devenait une activité quotidienne complète, et c’était génial.
Propos recueillis par Louise Martin Papasian
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Fiche technique
Mexique / 2022 / Couleur / 66’
Version originale : espagnol
Sous-titres : anglais
Scénario : Diego Hernández
Image : Diego Hernández
Montage : Diego Hernández
Musique : Zadkiel Troncoso
Son : Diego Hernández, Fulvio Cortez
Avec : Diego Hernández, Graciela Rodríguez, Melissa Castañeda
Production : Diego Hernández & Melissa Castañeda (Violeta Cine)
Filmographie : Los Fundadores, 2021
Tijuana, 1997.
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