L’AUTHENTIQUE PROCÈS DE CARL EMMANUEL JUNG

Marcel Hanoun

« Ce procès est imaginaire », voilà les premiers mots du narrateur, qui poursuit en désignant les figures, procureur, avocats, journaliste, visages sur fond noir abstrait, concluant : « Faute d’avoir pu assister à un procès de cette sorte, je m’emprisonne, et je laisse délirer mon imagination. » Hanoun annonce d’emblée le projet de ce film a-naturaliste, financé par Godard, où Eustache fait une apparition. Il instaure son propre rapport à la vérité, dans une dialectique du dit, du su et du vu. Le procès de Carl- Emmanuel Jung, criminel de guerre nazi, se révèle celui d’un certain cinéma. S’appuyant sur des récits historiques, il retourne les usages du témoignage (glissements des voix, toujours off, d’un orateur à l’autre) comme les attendus de la preuve par l’image (refus de montrer les preuves visuelles annoncées).politique ancré dans le présent, il fait se chevaucher les espaces les uns sur les autres, de la salle d’audience vers l’extérieur, sur un mode déceptif pour la pulsion scopique du spectateur voyeur, faisant la part belle à l’écoute. Écho aux analyses d’Arendt, le pari, loin de tout spectaculaire et de la dramaturgie habituelle de la salle d’audience exhibée au cinéma, est celui de ces « paroles atonales, sans passion, pour dire l’horreur sans mesure du crime nazi. »

Nicolas Feodoroff

Fiche technique

ÉCRAN PARALLÈLE  / Souffrance et cruauté

France, 1966, N&B, 80’

Avec : Maurice Poullenot, Le Gal jane, Elisabeth Braconnier, Gérard Vaudran, Jean-Marie Serreau, Michel Lonsdale, Raymond Jordan.