Sur le tournage ou à en causer, Mathieu Amalric prépare Barbara, le film consacré à la chanteuse mythique avec l’incroyable Jeanne Balibar. Avec André S. Labarthe et Quentin Mével, il évoque ses précédentes réalisations et esquisse la présence d’une autre Barbara, celle qui connaît les images fantomatiques d’un chef d’orchestre, Vladimir Jurowski, filmé en noir et blanc pour les musiciens, Barbara Hannigan. Autour de cet acteur-réalisateur vif-argent, amoureux constamment attentif, il y en a beaucoup d’autres.
- 2018
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Amalric, l’art et la matière
Quentin Mével
André S. Labarthe
Entretien avec Quentin Mével
Vous avez écrit plusieurs livres d’entretiens avec des cinéastes français. Quelle est l’origine de cette collaboration avec André S. Labarthe pour Amalric, L’Art et la matière ?
Je connais André depuis une quinzaine d’années, suite à une programmation consacrée à son travail au sein des salles ACRIF – Association des Cinémas de Recherche d’Île-de-France. Nous avons voyagé ensemble en Île-de-France pour présenter ses films. Nous nous sommes depuis régulièrement vus, chez lui, sans ordre du jour, animés par des films récemment visionnés et par nos projets à venir. Je connais aussi Mathieu parce que nous avons présenté ses films dans plusieurs salles de cinéma. Et bien sûr, André et Mathieu se connaissent très bien. J’ai eu, il y a quelques années, envie de les filmer ensemble pour parler de leur travail. La filiation me semble évidente, ils partagent quelque chose d’intuitif, une relation intense au présent, une façon de mêler dans un même mouvement le réel et la fiction. Pour reprendre les mots d’André : « Ils ne sont pas dans la maîtrise ». Bref, j’apprends un jour que Mathieu va tourner dans quatre mois. Je dis à André que c’est lui qui doit le filmer. Il est OK, bien sûr, et me propose de le réaliser avec lui. On est parti tout de suite.
Comment avez-vous travaillé ensemble ?
Avec André, nous avions quelques pistes intuitives de ce que nous connaissions du travail de Mathieu. Rapidement, il nous en- voie son scénario. Il nous indique avec Dylan Talleux, son premier assistant, les journées auxquelles nous ne pourrons assister, le plus souvent pour des raisons d’exiguïté des lieux de tournage. En fonction des enjeux esthétiques du film à venir et de ce que nous projetons du nôtre, nous choisissons nos jours de tournage : les essais costumes et caméra, le réel et la fiction avec Barbara/Balibar, le mixage. Sur le plateau, nous avions une équipe formidable – Sarah Blum à la caméra et François Abdelnour au son – et très autonome, de telle sorte que nous étions très complémentaires et mobiles pour agir vite et nous adapter au tournage.
Le film est centré autour de Mathieu Amalric sur le tournage de Barbara, il évoque son travail dans vos entretiens et plusieurs extraits de son œuvre sont présentés. Comment avez-vous imaginé le scénario ?
La collection « Cinéma, de notre temps » essaie toujours d’élargir la parole des cinéastes aux films, à la vie. Une parole ne doit pas être close. Et nous avions des images d’un tournage. En mettant des extraits d’autres films de Mathieu dans le prolongement de sa parole, cela produit des rimes, comme une circulation vivante et poétique de son travail. Jeanne Balibar pourrait être aussi le fil rouge du film. C’est aussi un film sur Jeanne Balibar et Mathieu au travail. Leur intimité et leur confiance l’un dans l’autre est au cœur du film. Il nous fallait saisir cela également. Ils partagent, je pense, avec André aussi, une même façon, pour reprendre les termes si justes de Jeanne Balibar aux Césars, « de ne jamais suivre un cahier des charges ».
La musique est très présente, évidemment. A-t-elle été un moteur pour Nicolas Ripoche au montage ?
Nicolas Ripoche a monté beaucoup de films avec la parole de cinéastes. Il est donc très habile avec les mots, pour les faire rimer, les projeter d’une séquence à une autre. Mathieu est une partition, une façon de mettre en résonance des projets très différents, sans les hiérarchiser, avec une joie enfantine, comme André. Par ailleurs, il réalise un film « sans fin » sur John Zorn. C’est une possibilité parfaite pour nous, là encore, de faire rimer son travail, ses mots avec cette musique qui le définit aussi.
Amalric, l’art et la matière n’est-il pas aussi un auto-portait du réalisateur André S. Labarthe finalement ?
Dans le film, Mathieu Amalric dit à André que tous ses films lui ressemblent : « que tu filmes Ford ou Cassavetes, ce sont toujours des portraits de toi!».
Propos recueillis par Olivier Pierre
Fiche technique
France / 2018 / Couleur / HD, Dolby Stéréo (SR) / 52’
Version originale : français.
Image : Sarah Blum.
Montage : Nicolas Ripoche.
Son : François Abdelnour.
Production : Kidam (Bastien Ehouzan).