Cinéaste culte hongrois, Belà Tarr, qui a réalisé son premier long-métrage en 1977, Nid Familial, a décrété que Le Cheval de Turin (2011) serait son oeuvre ultime. Écho involontaire, Jean-Marc Lamoure, pour son premier film, a suivi ce tournage testamentaire. Trois personnages plus un cheval, perdus au milieu d’une campagne désolée plantée d’une baraque battue par le vent, voilà presque tout l’argument ramassé tant on cause peu, tant les éléments priment sur les êtres, et tant, surtout, tout est ici affaire de plans, de durée, de réglages minutieux, bref, de mise en scène. C’est cette aventure, peutêtre conclusive, qui est décrite ici, même si le travail ne laisse aucune place à la mélancolie. Au contraire, c’est surprise, voire réjouissance, de découvrir un hélicoptère au bord du cadre chargé d’alimenter la brutalité du vent dans un décor alors autrement paisible. C’est surprise de voir une bâtisse qu’on aurait crue dressée là depuis des siècles, se construire, se rectifier, s’ajuster petit à petit à l’image de l’immuable. C’est surprise de découvrir que le cheval est plusieurs. Ce sont, bien sûr, secrets de polichinelle et artifices de tout tournage. Mais l’univers qu’offre Belà Tarr est si solide qu’on le croirait toujours détaché tel, masse compacte, de la réalité elle-même. Et c’est de cette réalité autour que ses complices, acteurs, musicien, confessent par ailleurs l’âpreté.
Jean-Pierre Rehm