Fin d’été, dans la campagne serbe. Quatre garçons, cousins, amis, entre adolescence et âge adulte, s’emploient à justifier leurs vacances. Car ce printemps est aussi le leur, à l’orée de basculer petits messieurs. Héritiers de Renoir, tout de simplicité et de légèreté, affranchis des pesanteurs qu’imposerait un scénario, ces quatre-là nous embarquent dans la nonchalence de leur oisiveté, le bâton-rompu de leurs futilités. Les filles ? La musique ? Leur maman ? Certes. Autre chose aussi. Au détour de leurs bavardarges, d’une baignade insouciante dans le fleuve du temps ou dans la vacuité d’une douce soirée, se dessine la mémoire d’un passé communiste, idéalisé ou doucement raillé, c’est tout un, face à cet occident, futur obligatoire. À l’issue des vacances, ce sera Londres pour l’un, la Suisse pour l’autre, pour y “apprendre un métier sérieux” ; à coup sûr, l’exil. Stefan Ivancić, l’un d’entre eux, nous offre pour son premier film, tout en savante délicatesse et en maîtrise impressionnante de la caméra, ces moments qui précèdent les grands changements. Comment les situer ? Dans le paysage ? Oui. Dans ces corps encore incertains d’une forme faite ? C’est visible. Mais en chansons aussi, rengaines psalmodiées comme airs d’antan : l’Internationale ou l’ode au Che. Fredonnées ou déclamées trop haut, ces musiques fantomatiques, méfiance face aux grands récits de l’Histoire, laissent les corps à l’abandon d’un voyage en cours.
Jean-Pierre Rehm & Nicolas Féodoroff