Une petite fille, une dizaine d’années mais la langue déjà bien acérée, assise sur l’herbe au bord d’un étang, parle avec Hugo, hors-champ. Ils parlent de Chaïnes, que celui-ci a aimée, ou pas : la petite insiste, il l’a bien aimée. Sans que la perception en soit nette, le film bascule dans le souvenir d’Hugo, et les instants passés avec Chaïnes auprès de ce même étang, quelques mois auparavant. Les deux adolescents se cherchent, se trouvent, se charrient, se font charrier par les passants. Aux environs, la petite Mia apprend la pêche avec un ami ; des bandes rivales se cherchent des noises. Le temps passe, mais on ne sait pas trop où il s’écoule…
Tendre raconte une histoire mais ne se construit pas sur la narration : pas d’étapes de récit clairement définies ni de progression linéaire, mais des instants bruts, des blocs de temps et d’espaces qui laissent chacun percevoir un aspect des relations qu’il détaille. Isabel Pagliai s’intéresse aux heures de la journée, aux luminosités variables entre éclat radieux et chien et loup, chacune créant une gradation différente de l’intimité. Car ses plans-séquence fixes se conçoivent avant tout comme des cadres au sein desquels ses acteurs peuvent jouer au sens ludique du terme : non pas faire avancer une narration, mais s’aventurer à exister, y compris avec gravité, pour faire émerger l’éclat inattendu d’intime ou de tendre dont le film se veut le recueil. (N.L.)