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FANTASMA, ANIMAL
GHOST, ANIMAL

Clemente Castor

Clemente Castor
Un drone blanc avance dans un couloir dont les murs semblent se liquéfier en un suintement numérique. Une voix métallique, peut-être celle du drone, s’interroge sur la réalité de ce qu’elle voit. Un vieil homme dessine et redessine le même tracé. Une ville est vue par la fenêtre, dans la lumière crue et nue du jour. Une ville, peut-être la même, est survolée de nuit, toute en rayonnements troubles et diaphanes. Entre ces différents plans, l’adaptation de l’oeil à différents régimes visuels, qui circulent entre images filmées, animées, triturées, programmées, dessinées, ou enregistrées. Quelle vérité pour chacune d’elles ?
(Nathan Letoré)

Entretien avec Clemente Castor

Votre film s’ouvre sur un drone, dont les questions, en sous-titre, constituent les seuls dialogues du film. Pourquoi ce choix d’un film sans dialogue, avec une machine comme unique personnage qui parle ?
Le numérique a modifié la culture, mais aussi l’activité cognitive et à un niveau plus profond : la structure neurophysique du cerveau. Les appareils technologiques sont devenus des prothèses pour nos corps et des outils pour être en permanence reliés au monde, transformant notre perception des émotions et la notion de l’autre.
Le drone est une figure qui m’intéresse actuellement ; il implique un rapport avec la nature animiste de la technologie numérique contemporaine. Il semble que l’œil humain perde la capacité à discerner les images réelles des images fictives. C’est comme ça que Fantasma, animal est né, comme un exercice de spéculation matérielle, par le biais de la science-fiction. Et cette spéculation a lieu au sein de la fiction, là où une machine peut communiquer avec un humain, et par la suite faire l’objet d’une transmutation.
En ce sens, la frontière entre le naturel et l’artificiel m’intéressait au plus haut point, le rapport entre la technologie et le corps, sa fonction de prothèse et la façon dont les images sont produites à travers une machine ou des technologies intelligentes. Cela revêt une grande importance pour la production et la façon de consommer les images.

Votre film mélange différents types d’images (images en 3D, images tournées puis modifiées numériquement, puis à nouveau filmées et montrées en l’état). Comment avez-vous travaillé sur chacun de ces formats ?
La figure du drone m’a permis de poser des questions telles que : comment voient les machines ? Comment fonctionne la production de ces images ? Les caméras thermiques, la vision mécanique et artificielle du corps, la reconnaissance faciale, le guidage par satellite, la numérisation en 3D et partant la création de mondes et modèles virtuels, etc. En d’autres termes, des images qui affectent et créent des réalités. Ces axes ont orienté l’esthétique du film, à travers l’amincissement de l’espace et la spéculation sur différentes façon de voir.

L’unique présence humaine travaille et retravaille jusqu’à l’obsession le même motif visuel. Pourquoi ce travail répétitif ?
En un sens, j’ai aimé voir le rapport entre les dessins que la présence humaine réalise et les cercles de transmutation dans l’alchimie. Ces cercles qui permettent de transformer la matière, dans ce cas permettraient à l’humain de reconfigurer son corps en machine. On pourrait tout aussi bien qualifier le film de spéculation ésotérique.

Bien qu’on ne puisse pas toujours savoir s’il s’agit de la même ville ou non, le monde urbain (vu d’en haut ou à travers la fenêtre) est un élément clé de l’esthétique du film. Où sommes-nous ? Pourquoi une telle importance donnée à la ville ?
La fiction se déroule dans le centre historique de Mexico. Ça fait un moment que je développe un projet de science-fiction sud-américaine à petit budget, qui ne fasse pas appel aux technologies les plus avancées ou aux représentations hétéropatriarcales. J’aime l’idée d’une science-fiction baroque.

Entretien avec Clemente Castor

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Fiche technique

Mexique / 2021 / 16’

Version originale : anglais.
Sous-titres : anglais.
Scénario : Clemente Castor.
Image : Miguel Escudero.
Montage : Clemente Castor.
Son : Thomas Becka.
Avec : Ernesto Legorreta.
Production : Verónica Posada (Salón de Belleza), Andrew Martín (Salón de Belleza), Kim Torres (Salón de Belleza).
Distribution : Alejandra Villalba (Salón de Belleza).
Filmographie : Príncipe de Paz (Prince of Peace), 2019. Resplandece (Glow), 2017.

ENTRETIEN AVEC LE RÉALISATEUR