Le film s’inscrit dans votre trajectoire de recherche et de création autour de la danse et de l’image en mouvement, développée au fil des années, et il constitue en lui-même un espace de contamination entre ces deux langages. Pouvez-vous nous raconter comment ce projet est né et comment il dialogue avec votre parcours ?
Le film est né d’un dialogue avec la chorégraphe Olivia Grandville. Une chorégraphe et un cinéaste mettant en partage les questions artistiques de chacun et chacune vis à vis de la pratique de l’autre. Une exploration à double sens qui considère le cinéma comme influence (extension) du geste chorégraphique et la danse comme vecteur (acteur) de l’écriture filmique. Faire ce film en relation avec des jeunes artistes chorégraphiques en formation me donnait l’occasion de poursuivre les questions métaphysiques à l’œuvre dans les films précédents.
Le titre évoque une forme cinématographique vivante, in fieri, qui cherche encore sa forme, à l’image des danseurs et danseuses qui sont eux et elles aussi en train de se former, dans un état encore inachevé et, grâce à ça, encore ouvert à l’inattendu et aux surprises. J’aimerais savoir comment vous avez conçu cette tension si particulière qui caractérise le dialogue entre les deux langages.
Je recherche toujours un espace d’ambiguïté avec des films-dispositifs (UFE, NE TRAVAILLE PAS, RICORDA TI…) qui modifient la relation aux évidences artistiques. D’une certaine manière Olivia Grandville aussi à travers ses créations chorégraphiques. Il y toujours en ligne de mire, l’espoir d’atteindre des sensations vierges et primitives que l’on ne peut ranger dans une catégorie ou même nommer. Une reconstruction permanente des us et coutumes, pendant que l’on énumère une sorte catalogue officiel de l’écriture cinématographique. Les gestes des étudiants qui se cherchent, s’accordent parfaitement à cette logique aléatoire et paradoxale de recherche et le film est aussi une invitation à un geste d’expérience qui envoie balader les discours de principes dans un monde où tout est rangé, commercialisé, défini. Dans défini, il y a fini.
Les mouvements de la danse que l’on voit à l’écran résonnent dans les mouvements de la caméra et dans les coupes du montage. Je voudrais savoir comment vous avez travaillé la composition du film entre ces différents gestes, une démarche dans laquelle la dimension ludique et ironique est également présente.
J’ai filmé beaucoup les corps en mouvement à travers une relation assez intime avec les interprètes. L’idée était de conjuguer ces gestes sensibles de la caméra avec la danse, une pseudo théorie de l’écriture filmique, et l’angoisse du futur associée à la lumineuse énergie de jeunes interprètes en mouvement. Ce n’est pas vraiment de l’ironie, Olivia et moi, nous travaillons avec l’absurde et même l’idiotie comme vecteur politique d’une démarche artistique sérieuse, dont le cinéma permet une forme un peu totale qui embrasse un large spectre de sensations contradictoires en un seul objet artistique.
Propos recueillis par Margot Mecca