Après une longue pratique de l’écriture puis de la photographie, Pierre Louapre présentait au FID 35 La prunelle rouge, son premier film. Il approfondit désormais la synthèse que le cinéma rend possible de l’ensemble de son parcours. À la manière d’un chiffonnier benjaminien, il a accumulé dans carnets et albums textes et images consacrés aux zones aveugles de la périphérie marseillaise — friches, squats, centres d’hébergement, chantiers urbains. Depuis le tumulte d’un présent incertain, le cinéma lui permet de remonter les couches de sa propre histoire. Les panoramiques tremblants de ses vieux albums dialoguent avec des vidéos enregistrées plus tard, à la limite de la visibilité. Les longues légendes écrites, à la frontière du récit, retrouvent l’esprit documentaire d’un Jacob Riis ou un Lewis Hine, et se tissent avec les figures spectrales de sa peinture (seules présences humaines, en dehors de celle du cinéaste, dans le film) ou encore avec une chronique kafkaïenne de la veillée funèbre de son père.
Manuel Asín