Soit une photographie, prise en 1998 en Syrie, d’un champ de cactus, plante connue pour sa résilience. La guerre et ses dévastations sont passées par là. Du champ, jadis espace familier de Khaled Abdulwahed, il ne reste, apprend-on, que cette photographie. L’enjeu va consister à conjurer sa perte, rejouer son souvenir. A cela s’emploie Khaled Abdulwahed, opérant dans Backyard le passage de l’un à l’autre, de la lente métamorphose de l’image jusqu’à la réactualisation, à moindre échelle, du lieu représenté. Geste dérisoire, modeste, essentiel qui se double ici de celui d’interroger la mécanique à l’œuvre.
Ainsi va se déployer tout le processus de reconstitution, dans le moindre détail, geste après geste, opération après opération, jusqu’à la touche finale. Mécanique de la destruction et de la reconstitution en échos à d’autres mécaniques, celle de la mémoire et de ses substituts, celles du film et de la reproduction, celle aussi, versant sombre, qui a conduit à la destruction du lieu représenté. D’un paysage à sa représentation, zoomer, mettre au point, scanner, développer convoquent ici hélicoptères, bulldozers et autres tanks qui labourent le sol.
Passage du temps et déplacements, de la Syrie à Berlin, du champ à l’arrière-cour à la pénombre éloquente, au fond laquelle se joue la reconstitution méticuleuse, précise mais miniature, du lieu qui se déploie sous nos yeux. Mais à distance, sans vouloir faire illusion, avec au loin l’écho de la ville, les bruits de pas et autres présences, ici et maintenant. Geste farockien, interrogeant la technique de l’image, de sa destruction et de sa mémoire, depuis son arrière cour en quelque sorte, comme l’indique le titre. (NF)