A l’origine du projet d’Élise Florenty, un texte de Pier Paolo Pasolini. Engagé comme on sait dans la vie de la cité, le cinéaste a publié en 1975 dans le quotidien Corriere della Sera une suite d’articles sous forme d’adresse pour le futur à un lecteur fictif, adolescent napolitain de 15 ans qu’il prénomme Gennariello. Propédeutique pour la révolte, souvent virulents, ces textes réunis sous le titre de Lettres luthériennes-Petit traité pédagogique évoquent pêle-mêle la famille l’école, les médias, la religion, la politique.
A l’écran du film d’aujourd’hui, Naples aujourd’hui : des jeunes garçons jouent dans un terrain vague, un lycée est occupé, la ville est aperçue par morceaux. Des gestes, des corps, des lieux. Une voix sert de fil : celle de Gennariello ici et maintenant, écho vivant à la voix restée muette dans la correspondance factice. Présente, mais dans le retrait du off. Gennariello aurait aujourd’hui l’âge qu’avait Pasolini lorsqu’il a écrit ces textes. Les rôles inversés, Gennariello, due volte ouvre la possibilité d’un échange rétrospectif. Cette réponse, souvent critique, nous invite à la lecture de ces lettres à l’aune de notre temps, comme au processus inverse : que nous disent-elles du présent, des engagements à poursuivre, des écueils, des échecs, des utopies ? Qu’est-ce que cette Naples imaginée par Pasolini ? Comment représenter aujourd’hui l’adolescence, cet entre-deux temps ? Comment la filmer ?
Gennariello, due volte, en revenant aussi sur les lieux de certains films de Pasolini ou en évoquant certaines séquences, entre hommage et réactualisation, fait le choix de maintenir cette suspension, ce temps double. Film ponctué de séquences à rebours créant des corps fantômatiques et mutants, nous installant dans un temps paradoxal et dialectique, rétrospectif et prospectif, tout un.
Nicolas Féodoroff
Entretien avec Elise Florenty au sujet de GENNARIELLO DUE VOLTE paru dans le quotidien du FIDMarseille du 9 juillet 2009