NEVERLAND

J’ai toujours été portée par la rencontre : prendre le temps de découvrir les gens, nouer des liens, une intimité se crée et d’elle naît l’envie de raconter, de filmer. Malgré plusieurs voyages en Corée du Nord, j’ai constaté que je ne parvenais pas à échapper aux représentations normées que les habitants donnent d’eux-mêmes et à créer un moment de « vraie » rencontre avec eux. J’ai donc compris que pour accéder à ce que je souhaitais filmer, j’allais avoir besoin du pouvoir de la fiction. À l’origine, l’histoire de Peter Pan est née de la rencontre entre l’écrivain J.M. Barrie et une fratrie de cinq garçons : en jouant ensemble, ils ont inventé le monde imaginaire de Neverland. De la même manière, j’aimerais suivre la piste du jeu et des rêves pour construire mon histoire. Les Nord-Coréens sont imprégnés de l’univers de Walt Disney. Ce partage d’un imaginaire commun est une chance : c’est par lui que je peux faire entrer mes trois personnages (une petite fille de la campagne et sa grand-mère, une serveuse d’un bar d’hôtel de la capitale) dans le film. Peter Pan en sera le « pré-texte » : l’important n’est pas tant de respecter l’histoire et ses péripéties que d’observer ce qui va se jouer pour ces trois femmes. Il s’agit, par leur confrontation avec le conte et la manière dont elles mettent en jeu leur propre imaginaire, de faire résonner leur histoire personnelle dans la ville de Pyongyang, décor principal du « Pays Imaginaire ».