Quelle est votre lien avec le travail de Lolo & Sosaku ? Comment ce projet de film a-t-il vu le jour ?
Je connais Lolo & Sosaku depuis de nombreuses années ; nous avons collaboré sur de nombreux projets. Ils ont été sélectionnés plusieurs fois à Sónar, un festival que je codirige ; ils ont également participé à plusieurs de mes précédents films et nous avons partagé un studio pendant quelques années. L’idée de réaliser un documentaire à leur sujet est née d’une conversation avec Silvana Fiorese, conservatrice du DART Festival de Barcelone, consacré à l’art par le prisme du film documentaire. Elle m’en a donné l’idée alors qu’elle quittait une séance du festival ; cela m’a surpris, intrigué, et j’ai décidé de le faire.
Vous choisissez de ne pas les filmer au travail, ni lorsqu’ils parlent de leur travail, mais plutôt d’intégrer ce travail à l’univers du western spaghetti. Pourquoi avez-vous choisi d’aborder leur travail de cette manière ?
Je voulais éviter les écueils du documentaire typique où les artistes ont l’air de s’autocongratuler sur leur propre intelligence, leurs lectures et la profondeur de leur travail. Je voulais briser le moule des documentaires d’art. J’ai donc proposé de faire un western, où, en pleine nature, on les verrait commettre toute une série d’actes irrationnels. Il s’agissait pour moi de montrer leur énergie créative, en quoi leurs œuvres ou leurs installations découlent du jeu et de l’improvisation. Au début, ils ne voulaient pas faire de western, encore moins porter un chapeau de cow-boy, mais je les ai convaincus…
Cependant, vous montrez également leurs installations dans les musées ou les galeries où elles sont exposées. Pourquoi quitter occasionnellement le monde du western ?
Parce que je voulais montrer leurs œuvres ou installations précédentes de manière insolite. Pour moi, c’est une fiction/documentaire, et je voulais que le film serve aussi de vitrine à leur travail.
Le son est extrêmement important dans le film ; il vous arrive même d’utiliser le son des installations de Lolo & Sosaku comme bande son dramatique avant d’en révéler la source. Vous choisissez également de n’inclure aucun dialogue. Comment avez-vous envisagé la place du son dans votre film ?
Sosaku ne voulait pas parler dans le film et Lolo parle trop. J’ai donc décidé que le film serait muet. Dans tous mes films, c’est le son généré par l’action elle-même qui construit le récit. Je n’utilise de la musique que lorsque cela est justifié et jamais pour amplifier le sens émotionnel du film.
Vous créez un duo d’antagonistes, presque entièrement vêtus de rouge. Pourquoi cette présence menaçante ?
Si vous voulez, on pourrait en parler comme d’une représentation de leur Id en lutte constante avec leur Ego, mais en réalité, c’est beaucoup plus simple… Pour faire un bon western, il faut des coups de feu et des personnages qui se font tirer dessus, je les ai donc créés. Les habiller en rouge et les affubler de perruques permettait à n’importe quel.le membre de l’équipe de jouer les doublures. Pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple…
Entretien traduit par Ewen Lebel-Canto