Nataliya Ilchuk, réalisatrice devenue aussi actrice pour l’occasion, nous convie à un clubbing bien singulier. Un clubbing qui se serait évidé. « Qui veux-tu être ? » lui demande un proche, en train de la filmer. Après quelques hésitations, « Je voudrais être moi-même » répond-elle face caméra. Le film se gardera bien de dessiner les contours précis de ce « moi-même ». On la suit dans cette recherche, au fil de ses errances avec son amie et accompagnatrice, sorte d’alter ego mutique et inversé, pendant quelques jours de l’été 2019 à Lviv. On ne quitte pas les deux trentenaires artistes, ici après une soirée, là dans un karaoké, croisant quelques personnages comme ce mi-ami, mi-acheteur potentiel de ses tableaux, indice suggérant un hors-champ peu accueillant… Jeux, discussions, phrases en suspens, le film dessine les moments de complicité comme de flottement entre elles, laissant venir les situations. De l’une à l’autre, dans un jeu de va-et-vient, se jouent les hésitations, les rires. Dans ce clubbing, il s’agit pour ces deux femmes, de trouver que faire, qui être. Et comme le suggère la boucle finale, de filmer. Mais filmer quoi ? La rue ? Les siens ? Ce qu’il est encore possible de préserver dans cette ville aux apparences tranquilles. Préserver le possible alors qu’en arrière-plan on devine la guerre, absente, invisible mais à l’oeuvre. Pour combien de temps ? Une situation suspendue comme l’indique le final.
Nicolas Feodoroff