Esquisser le cheminement du deuil, saisir ses méandres subtiles, tel est le difficile ouvrage auquel s’est attelée Natsuka Kusano dans Till the End of the Dream. Nous voici non loin d’Hiroshima, où Yoshimi vit seule après la perte de son compagnon. Pour capter les variations de sentiments, la cinéaste s’attache avec sensibilité au quotidien de la jeune femme et aux paysages sans qualité qui l’entourent, comme évidés. En quelques légères touches, ce bouleversement intérieur est dépeint avec grâce et douceur. Le film restitue ici, comme autant d’offrandes imaginaires, la délicatesse d’une gorgée de thé partagée, ou mesure le poids comme le plaisir de quelques mots banals échangés autour d’un gâteau partagé sur un coin de table. En quelques plans, quelques bribes de conversations sur un ton étale, presque chuchoté, se devine le deuil au travail, dans un espace habité par la présence fantomatique de l’aimé. Question de présence, de souvenir, dans ce film dont la langueur mélancolique dessine un certain état d’être, une certaine attention aux autres, à ce qui arrive comme au temps qui passe. Un temps aussi suspendu, comme en témoigne la double lecture de la parabole finale, sur les mouvements de l’espérance du retour d’un monde passé et de son souvenir. Dans une conscience – une âme – marquée par la perte, et vouée à l’attente comme à la désolation. Et aussi à ce qui peut advenir.
Nicolas Feodoroff