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MATERIAL

Thomas Heise

Un panoramique ouvre sur un terrain vague au bord de la ruine, rires d’enfants qui jouent au loin : inscription sous le triple signe de l’enfance, du paysage et de la perte. Suit une annonce : «Certaines choses restent en surplus, telles des résidus non développés, non aboutis. Ainsi en est-il des images en attente d’une histoire.» Ces images inédites, la matière même du film, ont été faites en marge d’autres films (de Thomas Heise lui-même ou d’autres) ou réalisées dans l’urgence des événements. Elles traversent ces vingt dernières années.
L’espace de Material est délimité : qu’est-ce que documenter un pays en pleine mutation, comment articuler cette matière éparse, que reste-t-il de l’avant 89, des espoirs de l’après ? Que faire de ces images « résiduelles »?
Rien n’est expliqué directement, hormis quelques rares commentaires du cinéaste ou la musique élégiaque et mélancolique de Charles Ives. Heise laisse les situations dans leur intensité : ainsi d’une émeute de jeunes encagoulés aujourd’hui, de l’immense foule défiant les autorités sur Alexanderplatz fin 1989, du metteur en scène Fritz Marquardt menant collectivement un travail de préparation pour la mise en scène de Germania Mort à Berlin d’Heiner Müller ou des restes aujourd’hui du Palais de la République désossé.
Avec Material, réflexion personnelle sur l’histoire de l’Allemagne comme sur son écriture même, Heise poursuit un sillon entamé dès les années 80 en RDA, tissant enjeux socio-politiques, ici dans une interrogation sur l’Histoire. Dans une dialectique de l’Ancien et du Nouveau, scrutant les visages, laissant les paroles se déployer, Heise offre l’attention nécessaire à cette geste qui ouvre à la matière même de l’Histoire et de ses possibles.

Nicolas Féodoroff

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