« Une femme héberge quelques amis, mais ne leur confie pas les clefs de son appartement. Sa fenêtre donne sur un camp de migrants. Ses amis vont, viennent. Un jour, les migrants ne sont plus là. Les jours suivants, de nouveaux venus apparaissent dans l’appartement. Ce ne sont pas des migrants. » C’est ainsi que Pascale Bodet décrit son projet. On soupçonne, à ne se contenter que de ces quelques lignes, l’ambition que le film développe : convoquer les urgences de notre temps, les tricoter sans aucune assurance avec le tissu délicat des amitiés et des « fréquentations », secouer à nouveau frais les ailes de L’Ange Exterminateur, en même temps que refuser de céder sur le détail de ces fragments de vies exposées. Car il s’agit avant tout, semble-t-il, mais sans jamais le crier sur les toits, de tâcher de rendre palpable la matière aléatoire, incertaine, entre porte ouverte et porte close, de nos existences. C’est pourquoi cet « appartement » tant convoité est bien moins le décor d’un drame parisien de plus qu’un plateau de théâtre rudimentaire, divisé en atelier de confection, en coulisse, en chambre, en dortoir, en salle de classe, en salon où l’on cause, etc. Théâtre en effet, car la reine des lieux est moins sa locataire en titre que la parole : dans cette étroite enceinte si vite saturée, le Verbe circule. Ni pour briller, ni pour faire vrai, plutôt pour toucher, pour s’approcher, pour apprendre (un peu), pour s’essayer à l’étonnement. (JPR)
Pascale Bodet