Summerhouse
(Ljetnikovac)

Ljetnikovac ou la maison d’été. Sauf que nous voilà en hiver, et l’hôtel désormais vide des touristes qui peuplent la côte croate pendant la haute saison. Il y a de la neige au bord du chemin. C’est dans ce cadre désert et tout de blanc (y compris les nappes du restaurant aux allures vaguement inquiétantes), que Vojin, réalisateur d’émissions radiophoniques aveugle invite tour à tour trois personnages afin d’enregistrer leurs témoignages concernant des épisodes de violence vécus dans leur enfance. Les journées s’écoulent au fil des entretiens et des conversations personnelles le temps des repas. Les gestes raréfiés qui scandent ce quotidien créent un semblant de routine dans cet univers tout en suspens et permettent de donner le change face au trouble évoqué dans les récits.
Dans ce huis clos, on retrouve un certain goût pour les traversées de couloirs comme celles, affolées, et pour cause, de Mitch – The Diary of the Schizophrenic Patient (FID 2014) du même cinéaste. Toutefois les couloirs ne favorisent guère ici les rencontres, ils semblent au contraire creuser un moment de réflexion en écho au caractère labyrinthique du refoulement et de la mémoire. Grâce à son protagoniste, Čučić poursuit son oeuvre autour des figures travaillant avec le son : après Spirit Diary (FID 2015), c’est à Vojin de tenir le rôle du maître de cérémonie, à même d’activer la parole tout en conservant, avec l’élégance des véritables films fantastiques, l’atrocité hors champ. Ne serait-ce pas le pari de Damir Čučić ? Raconter au cinéma, rejoignant une hypothèse sadienne et eustachienne en somme, ne serait-ce pas plonger dans l’obscurité de la mémoire, dans le trou sans fond du récit, ne serait-ce pas davantage entendre que voir ? (JM)
Damir Cucic