Où est-on ? Difficile à dire. Des personnages déambulent dans une campagne insituable. L’un, à pied, porte casque de moto, se bagarre avec quelque autre énergumène, se réconcilie, les deux se font assaillir, etc. Ce premier film, impressionnant de maîtrise, du jeune polonais Marcin Malaszczak, commence, fiction énigmatique, par nous dérouter. Puis, ce prologue passé, nous voilà entre les murs d’un asile d’aliénés. Si le cadre paraît plus repéré, ses habitants, par force, ne le sont que peu. Où est-on? Dans une description vériste ? Dans le silence et la cacophonie fantastiques de la souffrance mentale ? En pleine métaphore — d’un pays coincé sur le banc étroit qui relie l’ère communiste et celle du capitalisme sauvage? Rien n’atteste aucune hypothèse de manière certaine, seuls des indices discrètement et fermement semés ici et là (un bel épisode dans une salle de cinéma dévastée, par exemple) laissent entendre qu’il faut prendre tout au sérieux, la divagation comme la description, la mise en scène comme ses échappées.
Jean-Pierre Rehm