Sauf à se leurrer, hériter se choisit. Et exige même beaucoup : rien moins que de remonter dans le temps. C’est ce périple qu’entreprend ici Mati Diop, jeune cinéaste au parcours déjà avéré, en direction d’un film culte, Touki Bouki, réalisé en 1972 à Dakar par son oncle aujourd’hui défunt, Djibril Diop Mambety. L’argument en est simple : un couple d’amoureux rêve du paradis qu’ils situent à Paris et se donnent les moyens de le rejoindre. L’une embarquera vers l’idéal et l’exil, l’autre décidera in extremis de rester. Fable aux accents burlesques sur tradition et modernité, ce Voyage de la Hyène (traduit du wolof) évoque avant tout le choix : s’ingénier à être en mesure de choisir, puis choisir, libre des efforts déployés. Dans cet autre voyage auquel s’expose Mati Diop, l’histoire de sa famille, l’histoire du cinéma, l’histoire du Sénégal aussi, s’entremêlent, portées par Magaye Niang, le protagoniste de l’épopée d’alors, jusqu’à superposer les temporalités et faire revenir aujourd’hui des personnages (et leurs attributs : la fameuse moto-buffle) du film d’il y a 40 ans. Entre naturalisme et fantastique, entre hommage et enquête, entre humour et mélancolie, Mille Soleils remplit la promesse de son titre, et brille de bien des feux.
Jean-Pierre Rehm
Entretien avec Mati Diop à propos de MILLE SOLEILS paru dans le quotidien du FIDMarseille du 6 juillet 2013.