À flanc de rocher, au-dessus de l’eau, un jeune garçon rit, hésite. Sauter, pas sauter, s’attendrait-on dans pareille situation. Pour João Vladimiro, il s’agit d’une autre alternative. Regarder, attendre, prendre le temps — puis alors sauter, pour se laisser porter. C’est ainsi que le cinéaste énonce son projet : « Regarder le monde peut me ramener à l’intérieur de moi-même. C’est pour cela que j’ai fait ce film, ouvrir un regard en moi-même en me tournant vers le dehors. » C’était déjà, peu ou prou, on s’en souvient, l’ambition du beau Jardim (FID 2008). Au service de cette entreprise continuée, un film à la la lenteur assumée, pour observer, faire la part belle aux sensations, à l’écoute. De longues séquences attentives à la matière même des choses, simple et opaque. Et une trajectoire aussi : vite sortir de la ville, quitter son agitation. Redonner ainsi force aux sentiments que produit la nature, s’ensauvager, accepter de perdre de son confort et de son assurance, faire corps avec, affronter les peurs enfouies. Et, entre bruissements et musique, le silence comme moyen nécessaire pour cette « conversation » muette avec le monde. Un voyage en forme de dérive au fil de l’eau, omniprésente, sa labilité, sa fugacité. L’eau mais aussi la nuit, la végétation, quelques bribes de gestes fermiers ancestraux, dans un éloge de la lenteur des événements, du silence des éléments et des humains, et la ville de loin en loin, tenue à bonne distance. Comme le scorpion du titre?
Nicolas Féodoroff