“Un film basé sur des événements réels et constitué de vidéos d’événements réels” : le contrat est explicite, il s’agit de documenter. En réalité, l’affaire est plus ample, et plus généreuse, car mieux qu’un constat, il s’agit de donner la parole — ou l’image, et le son — aux intéressés. Quitter ses pesants habits d’auteur pour devenir monteur, et passer la main, l’oeil, l’oreille, aux invisibles, tel est le projet du collectif indien CAMP. En effet, le matériel engrangé est le fruit d’un échange engagé depuis 2009 avec des marins qui sillonnent la mer d’Arabie depuis le golfe de Kutch entre Inde et Pakistan, dont ils sont la plupart originaires, jusqu’au golfe persique, et retour. Projet au long cours, d’envergure. Tournées au téléphone portable, agrémentées de musiques enjouées choisies à dessein par ces réalisateurs improvisés, et destinées à être adressées à leurs proches, que nous montrent ces video-letters ? Du spectaculaire, mais à distinguer de celui bradé tel. Sur de larges bateaux de bois, sortis, dirait-on, d’un film en costumes, l’aventure est celle du quotidien d’un “travailleur de la mer”. On peut y croiser un banc de dauphins, d’autres bâtiments aussi élégants, mais au milieu des tâches fastidieuses à accomplir, de ses temps de loisirs aussi (fabriquer son bateau miniature !), au milieu de soi-même (les visages sont nombreux à donner des nouvelles de leur permanence sans assurance), au milieu de peu de chose aussi bien. Shaina ANAND
Jean-Pierre Rehm et Nicolas Féodoroff