Corine Shawi interroge trois jeunes femmes, à Beyrouth, sur leur vie amoureuse. Tandis que l’une se retire dans un silence presque boudeur, les deux autres partagent des récits et des vues très divergentes. Trois, ça ne fait pas assez pour revendiquer une enquête sociologique façon Comices d’amour. Trois, c’est bien assez, en près d’une heure, pour commencer à entrevoir chacune. Ou plutôt, à les entendre, car dans ce triple portrait, sans aucune présence masculine, et par ailleurs presque dénué de contexte, la musique est, du début jusqu’au terme, l’horizon manifeste. Tel semble peut-être le pari secret inscrit dans ce titre énigmatique : basculer du eux muets (les hommes, mais aussi nous tous, ensemble) à elles qui chantent. Imaginer qu’à des questions sur la vie affective, sexuelle, réponses, y compris les plus franches, puissent être données par des voix qui parviennent à se détacher pour aboutir en chants, voilà qui modifie toute l’entreprise. Car c’est du même coup tout ce qui est dit, et vu, qui fabrique une mosaïque de séquences loin de toute crudité vériste, amoureuses plutôt, enchantées : opératiques.
Jean-Pierre Rehm