On s’en souvient, avec Maniquerville (en compétition au FID 2009) Pierre Creton nous présentait un centre de gérontologie qui vivait ses derniers moments avant d’être détruit et transféré à Fécamp sur un site d’une nature moins hospitalière. De ce film, Le Grand Cortège en est la suite et la fin, puisque c’est aux transferts des résidents d’un lieu vers l’autre auxquels on assiste ici. Mais ces quelques périples solitaires, que la caméra accompagne dans l’ambulance, résonnent plus gravement, car c’est à n’en pas douter le trépas qui se trouve au bout de la route, comme l’évoquent les images pudiques de funérailles que l’objectif attrape de loin. Méditation guère inhabituelle chez Creton que celle sur la disparition, elle prend toutefois ici le tour d’une frontalité particulière, et le passage du temps se voit froidement représenté par l’automobile, adaptation réactualisée de la fameuse diligence de la Grande Faucheuse. Des ambulances de l’introduction, filmées à l’heure où le jour point, à la voiture de collection qu’on remet patiemment, et en musique, à neuf en conclusion, à la semblance d’un moderne sarcophage, c’est une mécanique qui est donnée concurrente à la vie, et finit par en triompher.
Jean-Pierre Rehm