Natasha Demkina jouit d’une certaine notoriété. Adolescente russe, étudiante en médecine, elle prétend être douée de seconde vue. Elle passe pour être capable de discerner clairement les organes intérieurs. Comme si son regard partageait quelque affinité avec la puissance des rayons X. Philip Warnell, le réalisateur de ce premier film, a décidé en juin 2007 d’aller la rencontrer pour se soumettre, devant témoins, à un examen détaillé et verbalisé de son propre corps. C’est toutefois moins le diagnostic de ce check up bien particulier qui l’a attiré dans cette aventure, que l’occasion d’interroger la nature de la vision. Comment, dans un regard, dans l’action qu’est celle du regard, le visible et l’invisible se partagent-ils ? Comment la connaissance s’appuie-t-elle sur l’expérience sensible impartageable ? Etc. : interrogeant, d’un même mouvement, la nature de l’expérience cinématographique. Il n’est pas inutile d’ajouter que la bande son, commandée au compositeur russe Vladimir Nikolaev, est interprétée à l’aide du theremin, fameux instrument dont on joue sans le toucher et dont l’histoire recoupe les mystères de l’espionnage soviétique.
Nicolas Féodoroff