Nous sommes regardés. Constat presque trop aisé, les webcams, ouvertement ou implicitement vouées à la videosurveillance, sont désormais omniprésentes. Quel regard, en retour, poser sur de telles images ? Produites, comment les diffuser ? Quel oeil supposent-elles ?
Après deux films très brefs exclusivement nourris de ce type de prises anonymes, Luukkaankangas-Updated, revisited (2004), qui rassemblait des vues de routes finlandaises, puis Elements (2005), focalisé sur les paysages d’Alaska, Dariusz Kowalski (Krzeczek) élargit la donne. Il déplace son entreprise d’analyse, de désamorçage, en direction d’un réenchantement de ce non-regard. Optical vacuum articule et superpose trois niveaux. D’abord, dit off par son auteur, le journal d’un peintre dénommé Stephen Mathewson, méditation ruminante à teneur autobiographique, entrecoupée de réflexions sur l’image. Ensuite, à l’image, des vues impersonnelles provenant de webcams du monde industrialisé, de l’Estonie au Japon, qui passe indifféremment d’une laverie automatique à un parc public, d’un bureau désert à une plage de sable fin, d’un hôtel à une usine. Enfin, l’univers sonore électronique de Stefan Németh conçu pour l’occasion. Saisies sur le site internet d’accès libre opentopia, les images fixes sont assemblées en plans qui sont à leur tour montés selon un mode qui mime la proximité avec le cinéma narratif. Alternant les distances, les lieux et les scènes, Kowalski fait lentement surgir une dramaturgie maladive. Espaces publics et lieux semi privés y dessinent une géographie mondialisée de non-lieux. Paradoxes d’un non-tournage et d’un voyage immobile, les enjeux sont autant la surveillance que les contours de notre monde, sa mémoire ou sa disparition.
Nicolas Féodoroff