PICTURES OF THE LOST WORLD

Pendant une cinquantaine de minutes, Pictures of the Lost World alterne une série d’images statiques ou légèrement vacillantes représentant des paysages parfois bucoliques, mais le plus souvent industriels (ports envasés, lignes électriques, gares abandonnées ou usines désaffectées). L’interaction entre ces deux catégories d’images n’est pas évidente. Wyborny photographie ces ruines modernes sous leur meilleur jour : au lever ou au coucher du soleil, se reflétant en partie dans l’eau, ou aperçues derrière un rideau de feuillage. Les images se répètent, retouchées dans des couleurs chatoyantes, ou au contraire délavées comme après cinq passages à la photocopieuse. Puisque très peu d’êtres humains y figurent, on a l’impression que la planète est surtout peuplée de vaches, de péniches et de foreuses hydrauliques.
En guise de bande-son, un pianiste improvise une mélodie lente et riche en accords, qui ajoute à l’atmosphère de douce mélancolie de l’ensemble. Cependant, alors que le film touche à sa fin, Wyborny se met à parodier sa propre nostalgie. Des groupes d’images se succèdent à un rythme effréné, tandis que le pianiste adopte une phrase entêtante de sept notes qu’il répète à l’infini, comme un disque rayé. Dans sa forme faussement symphonique, le film est une exaltation ironique de « l’idéal pastoral », (une tendance encore vivace dans les films avant-gardistes britanniques et allemands), qui célèbre la beauté entropique de ces mêmes usines infernales qui poussèrent jadis Wordsworth à se réfugier à la campagne, et Schiller à décrier la «dégénérescence» de la culture européenne.
J. Hoberman, The Village Voice, New York, mai 1978

Fiche technique

ÉCRAN PARALLÈLE  / Viennale 50 ans

Allemagne, 1974, Couleur, 16 mm, 50’

Version originale : allemand. Sous-titres : anglais. Distribution : Typee-Film.