Dana Ranga délaisse pour un temps les astronautes (Story, FID 2003 ; Cosmonaut Polyakov, FID 2007 ; en attendant le troisième volet en cours de ce triptyque), mais elle ne quitte pas les cieux pour autant. De l’espace, elle passe ici aux portes du Paradis, situées pour l’occasion dans un village en Roumanie. Ces portes ne sont pas gardées par des anges mais par une paire de religieux et un poète, qui chacun va généreusement se livrer à des explications théologiques, théoriques, symboliques et sensibles sur la grande affaire de la mort. Mais plus crucial, devant la porte de leur domicile, puis chez elle, défilent également une suite de villageoises.
Là est l’essentiel du film : toutes ces veuves d’un certain âge, Eves privées désormais de leur Adam, ce n’est pas tant le ciel sur terre qu’elles racontent, mais le menu d’une existence de labeur, d’amour, d’épousailles, de tracas, de déchirements familiaux, d’anecdotes en somme, qui, rassemblées tout en dégustant des gâteaux, fabriquent le tout d’une destinée que la mort de leur mari est venu verrouiller. Et si Dana Ranga a choisi de les traduire avec sa propre voix par-dessus les leurs, ce n’est pour les effacer ou souscrire à la règle odieuse du doublage, mais pour en éterniser le fil unique, comme si toutes ces femmes se rassemblaient dans une voix unique, celle d’un village, celle d’une époque, celle d’un mode de vie défunt lui aussi.
Jean-Pierre Rehm