Au Brésil, une loi protège de toute prise d’image les mineurs inculpés. C’est pourtant le procès et l’incarcération de tels jeunes gens qu’a décidé de suivre Maria Ramos, dont le film précédent, Justiça, enquêtait déjà entre les mêmes murs. Rencontres devant les juges, longs échanges, mutisme buté des uns, palabres des autres, drames affleurant au détour de quelque aveu, détresse, ruses de belle mauvaise foi, humour aussi. En bref, le fameux théâtre de l’exercice juridique mais à l’emphase atténuée, ou augmentée, selon les cas, par l’ancrage dans ce substitut de rhétorique familiale que souhaite être la justice pour enfants. On suit aussi les délinquants en prison, dans les cellules, et dehors enfin. Comment la cinéaste s’y est-elle pris pour montrer toutes ces étapes, sans déroger au cadre légal ? Contrainte de couper court au voyeurisme que risque d’entraîner toute restitution authentique, la cinéaste a choisi de remplacer les jeunes inculpés par des adolescents de même âge, leurs frères d’âme, innocents cette fois, et donc disponibles à l’image. Une dialectique subtile s’installe qui entraîne des questions en cascade : l’image d’un visage innocent trahit-elle la culpabilité d’un autre visage ? L’en protège-t-elle au contraire ? Y a-t-il une communauté des gestes et des mots ? Qu’est-ce qu’une détermination sociale ? À qui appartient son propre corps ?
Jean-Pierre Rehm