On a souvent souligné, à juste titre, les connivences, sinon les convergences, entre la machinerie du cinéma et celle des chemins de fer. Pour être plus indécises, celles entre le cinéma et la route n’existent pas moins. Marine Hugonnier, partant de l’utopie de possession, de maîtrise et d’exploitation du territoire brésilien dans ses profondeurs les plus inaccessibles durant la dictature militaire, s’est ainsi intéressée à cette gigantesque percée que devait être la Transamazonienne. Près de 6000 kilomètres en terrain hostile à travers l’Amazonie, dont elle esquisse les enjeux. Enjeux économiques en faisant réaliser une Dolly (à la fois outil du cinéma et sa métaphore) avec les matériaux-mêmes dont cette route devait favoriser l’exploitation : bois, caoutchouc et métal. Enjeux qui lient esthétique, politique et imaginaire en filmant cette machine articulant voir et pouvoir.
Nicolas Feodoroff