Manière de suite à Sylvia Kristel – Paris, Manon de Boer a choisi une fois encore de faire le portrait d’une destinée féminine, celle de la psychanalyste brésilienne Suely Rolnik. Haute figure dans son pays, emprisonnée durant la période d’une dictature discrète mais virulente, exilée ensuite à Paris dans les années 70 d’où elle a rapporté la passion des idées, le foisonnement théorique et une amitié indéfectible avec les philosophes Deleuze et Guattari, Suely Rolnik incarne une existence dédiée à résister aux forces mortifères. C’est un pays, une ville (Sao Paulo) et surtout une époque qui s’offrent ici à la sensation. Entre les fils ténus et dévidés d’un travail intellectuel inquiet de l’altérité, de la voix, du rapport entre corps et pouvoir, de la micropolitique du désir, une existence apparaît dans la force de son engagement. Loin de tout héroïsme comme de toute simplification réductrice, loin en réalité des modèles existants, Manon de Boer a souhaité fabriquer son film à la façon d’une « surface » sensible.
Jean-Pierre Rehm