Quel est le mensonge pointé par le titre ? Pas si simple à trancher, puisque Lech Kowalski a choisi avant tout de jouer de la confrontation de deux types de production d’images. D’un côté, Louisiana Story, un film institutionnel commandé en 1948 à Robert Flaherty par la compagnie pétrolière Standard Oil Company, où Richard Leacock signe l’image et Virgil Thompson la musique. En Louisiane, dans le bayou, une équipe de prospecteurs vient forer la rivière. Ils achètent le droit d’installer un derrick au père d’un gamin familier de ce paysage complexe et avec lequel l’un d’eux nouera amitié. Dans la tonalité chère au père de l’ethnofiction, il s’agit de travestir une histoire d’expropriation en gentille fable de lutte contre la nature et d’amitié paternaliste. De l’autre, lors de la catastrophe de la marée noire du Golfe du Mexique en 2010, des images fabriquées par les télévisions, des associations et des particuliers, et disponibles sur internet. Mais plutôt que de télécharger ces images, Kowalski les utilise en soulignant leur provenance. D’un côté, un beau noir et blanc au service d’une histoire édifiante et trompeuse, de l’autre des images pauvres, sans signature et aux couleurs criardes, pour tenter de dénoncer l’horreur. L’ensemble alterne, une image critiquant l’autre, mais seulement pour souligner au final leur commune défaite devant les faits.
Jean-Pierre Rehm