Une douce nuit d’été dans un village des Pyrénées, voilà le cadre du conte imaginé par Christelle Lheureux. C’est une fête, comme il se doit, qui inaugure cette féerie, douce, enjouée, où des adolescents célèbrent leur jeunesse, et quelques adultes celle qu’ils ont perdue en partant chasser. Myrtille, une fillette bien plus jeune encore, va se coucher avant les autres, mais pas pour longtemps, appelée par un sanglier qui l’invite gentiment à le suivre. Ensemble ils trotteront dans la forêt vers une grotte ornée de peintures pariétales, jusqu’à ce que le père de l’enfant les retrouve dans cet antre du passé. Avec cette lointaine adaptation de La Belle et La Bête, où d’autres récits fabuleux se permettent de faire intrusion pour tirer leur révérence à la beauté de l’existence, Christelle Lheureux fabrique un film fait tout entier d’un seul matériau : la grâce. Matériau fragile mais distribué ici sans parcimonie, la grâce se fait parure de l’enfance, de l’adolescence, agrément d’un gros crapaud aussi, des ombres des arbres, de la lumière de la lune, grâce encore des dialogues entre l’aujourd’hui et le révolu, des échanges entre le rêve et la veille, entre l’homme et l’animal. Au service d’une succession d’infimes nuances, et du respect pour tout ce qui franchit l’espace du champ, le noir et blanc choisi décide de parfaire le tableau à traits en permanent équilibre, de peur de le finir trop vite, de peur de voir un récit mystérieux se résoudre, et la mort avoir raison trop tôt.
Jean-Pierre Rehm