Mathurin Milan, mis à l’hôpital de Charenton le 31 août 1707:
« Sa folie a toujours été de se cacher à sa famille, de mener à la campagne une vie obscure, d’avoir des procès, de prêter à usure et à fonds perdu, de promener son pauvre esprit dans des routes inconnues et de se croire capable des plus grands emplois. »
Touché par ces mots, Michel Foucault a exhumé cette sentence extraite des archives de La Bastille. Voici le récit imaginaire et méticuleux de la vie et de la chute de cet homme, comme choisi au hasard dans une liste infinie de noms que l’histoire a oubliés.
Mathurin serait un homme massif, doux et brutal à la fois. Il plante en secret le bulbe d’une tulipe malade dont il espère grands profits.
C’est cette fleur qui le perdra.
Nous suivons des épisodes de sa vie, ses éclats, ses esclandres, comme il est craint et admiré. Un jour sa famille rédigera une lettre de cachet demandant son enfermement.
La Justice dresse à son insu la liste de ses désordres, ses plaintes délirantes, sa vie secrète dans les marais.
On lui ordonne de se ranger, alors Mathurin prie, communie. En vain.
Lors de son dernier procès, celui de la tulipe, il défie ses juges et dévore la fleur devant eux.
Gilles Deroo Marianne Pistone