« Je suis heureuse. C’est aussi simple que ça », dit Isabel.
Autour d’elle, tout semble pourtant très compliqué : Christian l’aime, mais vit avec Ariane, sa demi-sœur. Aucun d’eux ne sait quoi faire. Christian et Ariane se parlent dans les rues sombres et froides de Berlin. Christian et Isabel s’embrassent à l’intérieur, là où on n’entend plus la rumeur. Un ami de Christian lui demande s’il a tiré au sort laquelle il choisirait. Un camarade de classe d’Ariane et Isabel se suicide. Et Christian quitte Ariane pour Isabel.
À la différence de beaucoup d’autres, ce triangle amoureux ne contraint pas un homme à choisir entre deux femmes incarnant deux extrêmes, maman contre putain, confort contre aventure, familiarité contre nouveauté. On voit trois personnes livrées à des sentiments, des désirs qui les dépassent. Elles cherchent leur place les unes par rapport aux autres, marchent, prennent des bus et des métros sans suivre de trajectoire lisible, déjeunent chez des amis qui ont l’air de ne se poser aucune question, se demandent régulièrement les unes aux autres si elles sont heureuses, essaient de couvrir le bruit de la ville avec leurs voix.
Beaucoup de choses leur échappent. « Tu allais partir de toute façon ? », demande Ariane à Christian, qui dévale l’escalier sans répondre. Beaucoup de choses nous échappent aussi : laquelle des deux femmes parle dans le titre quand elle dit « ma sœur », laquelle est heureuse – d’être quittée ou libérée, amoureuse ou inquiète ? Le premier long-métrage d’Angela Schanelec, qui est aussi son film de fin d’études à l’Académie allemande du cinéma et de la télévision de Berlin, met immédiatement le doigt sur ce qu’on préfèrerait souvent ne pas voir : tout ce qui influence nos vies et qu’on ne contrôle pas, tout ce qu’on ne pourra jamais comprendre. (M.H.)