Retourner vers ses origines présente toujours le risque de revendiquer des racines enfouies profond, supposément enfin assurées. Et l’entreprise autobiographique se confond bien souvent avec la volonté d’identification, avec le souhait de forger une image stable, de fixer le soi. À l’inverse de cet ancrage fantasmé, le projet de John Di Stefano va glaner les éléments d’une dispersion manifeste et insoluble. Obstinément démentir le titre de son film, voilà en somme toute son ambition.
Être ailleurs, être à plusieurs endroits en même temps, être nulle part, tous ces possibles sont en jeu. Fils d’émigrés, il retrace la trajectoire familiale de la maison des aïeux en Italie laissée pour le Canada où il est né, puis la Nouvelle-Zélande, où il réside. Mais la réflexion menée ainsi avec une grande délicatesse ne touche pas seulement la géographie et la problématique appartenance nationale. C’est bien d’identité, en toutes ses acceptions et celle de tous, qu’il est question, identité culturelle, émotionnelle, sexuelle tout autant. Entremêlant une réflexion autour de son homosexualité à son héritage d’immigré, ce sont bien des frontières qui sont vouées à s’estomper, à l’image de ce monument à Amsterdam, simple ligne à même le sol, en mémoire des victimes de l’intolérance.
Jean-Pierre Rehm