Mineur : profession emblématique de l’industrialisation. Au service de la révolution ou du capitalisme triomphant ? C’est selon. Nous voici dans la province de Shanxi à Batong, capitale minière où convergent hommes et femmes venus de toute la Chine. Mesurer l’écart entre les figures héroïques glorifiées sous Mao et les réalités des mineurs d’hier et d’aujourd’hui, c’est le projet de Bai Budan, cinéaste en colère. Mais de quel charbon faire témoignage lorsque les images font défaut, et les paroles contrôlées ?
De la mine, on ne verra presque rien. Laissant de côté monde souterrain pour la lumière vive du dehors, le film enquête. Mais loin des figures habituelles du genre, il est mené au fil des rencontres, restituant ses heureux hasards comme ses butées. Bai Budan interroge précisément (salaire, danger, temps de travail) ou, au contraire, accueille simplement la parole. Ainsi ce cadre fixe où se déploie le récit détaillé, déroulé d’un souffle, d’un rescapé d’une catastrophe meurtrière. Impérieuse nécessité de survivre, lourds tributs payés lors des nombreuses catastrophes qui se succèdent depuis des décennies, minimisées sinon occultées. À la manière d’un hommage, Bai Budan construit le contrechamp des discours officiels, médiatiques ou faussement commémoratifs. Tâche qu’il assume sans détour et qu’il nourrit, en contrepoint, de considérations amères, en dessinant les âpres conditions de vie de ces supplétifs invisibles d’une société chinoise urbanisée, image inversée parée de mille feux.
Nicolas Féodoroff