Vous avez tous les deux réalisé des films auparavant, mais c’est votre première collaboration. Comment ce projet a-t-il vu le jour ?
Kim : Nous nous sommes rencontrés en festivals de cinéma et nous avons fini par entamer une correspondance en ligne, en collaborant sur des scénarios et en mettant des stratégies en commun. Cela a permis de nous découvrir des idéologies communes, tant cinématographiques que politiques. Un jour, Sawandi m’a fait la surprise de réserver un cabanon de vacances hors saison pour nous deux. On y a passé un bon petit week-end entre amis. C’est là que tout a commencé.
Sawandi : Nous avons écrit le scénario en deux jours lors de notre séjour dans ce cabanon, d’après nos discussions sur l’adelphité. Le court-métrage 2gether de Kim, sur la rupture de son frère Hampus, m’avait fasciné. Hampus est cette espèce de bodybuilder sexy qui est une personnalité de la téléréalité, et Kim est tout le contraire. Je lui ai donc posé beaucoup de questions à ce sujet, et j’ai compris que je n’étais pas dénué de présomptions problématiques. Il avait une très belle manière de parler de leur relation. J’ai moi-même des frères et sœurs qui ne me ressemblent pas du tout, éparpillé.es dans le monde entier. Mais il est évident qu’un lien nous unit pour la vie.
Pourriez-vous nous en dire plus sur votre désir de raconter cette histoire ?
Nous ne sommes animés d’aucune réelle passion pour la narration : l’intrigue et le dispositif de XXL étaient purement accessoires et remplaçables —cela aurait en tout cas donné un film très similaire.
Dans le film, lors de leur visite à Helsinki, les protagonistes rencontrent toute une galerie de personnages différents, principalement d’origine étrangère. Comment s’est déroulé le casting ? Comment avez-vous travaillé les différentes scènes avec ell.eux ? Y avait-il un scénario ?
Sawandi : Nous avons délégué le casting finlandais à quelques ami.es qui réalisent des films documentaires, en leur donnant carte blanche. Saarlotta Virri a trouvé Enkete alors qu’elle se baladait à Sörnäinen. Il se promenait avec une copie française de L’étranger d’Albert Camus à la main. Globalement, il joue une version exagérée de son propre rôle. Il n’y a jamais ni trame de fond ni développement psychologique complexe des personnages dans nos films, nous n’avons donc pas vraiment besoin de diriger les acteur.ices au-delà de l’occasionnel « Après, regarde par là. », « Ensuite, tu pars par là. », ou « Regarde fixement par là-bas. ». Nous avons aussi tendance à faire jouer des membres de notre famille dans nos films, ce qui est très pratique.
Kim : Astrid Drettner et Georgios Giokotos, qui jouent les rôles principaux, sont acteur.ices professionnel.les. Avec ell.eux, on a tenté des trucs plus théâtraux. Je crois que j’ai plus tendance à faire ça que Sawandi. Au montage, nous avons essayé de trouver l’équilibre parmi une large palette d’expressions.
Vous mêlez rêve et réalité, et différents genres cinématographiques, passant d’une sorte de réalisme social à l’onirisme, voire à l’expérimental, sans oublier le burlesque. Pourriez-vous nous éclairer sur ce choix ?
Kim : On pensait qu’on faisait un film bavard et minimaliste à la Éric Rohmer, et ça nous a plutôt choqué de voir ce qu’on avait filmé. C’est un film schizophrène, pour le meilleur ou pour le pire, mais au moins il reflète nos états d’esprit de l’époque.
Sawandi : C’est peut-être un film très honnête, une visualisation de quelqu’un qui essaie de réaliser un film chemin faisant. J’espère qu’il est réconfortant de suivre ainsi nos tentatives, nos échecs et nos coups de chance occasionnels.
La représentation ainsi que l’art jouent un rôle important dans le film, à travers les discussions des protagonistes, ainsi que l’endroit qu’iels visitent ou encore leurs activités. Qu’est-ce qui vous a intéressé dans cette démarche ? Était-ce d’emblée une nécessité ?
Sawandi : Nous voulions qu’iels fassent des choses assez normales et que les activités soient peut-être saisies sous un certain angle, mais dans l’ensemble, iels font les mêmes choses que je fais quand un.e ami.e vient me voir de l’étranger. Nous jouons au football au parc d’à côté, nous visitons un musée, nous allons dans un bar et si nous en avons envie, nous allons à l’église.
Kim : Quand j’étais jeune, quand on partait en vacances, mes parents avaient un regain d’intérêt soudain pour la culture : on allait au musée ou visiter des monuments historiques, on essayait de nouveaux plats. Sawandi et moi avons tous les deux été élevés dans un environnement rural homogène, la découverte de l’art et de la culture revêtait donc une grande importance. Sans vouloir trop jouer les philosophes, je crois que les gens doivent absolument redécouvrir qu’iels ont une âme, qu’iels ont du génie.
Vous avez choisi de tourner en 16 mm. Qu’est-ce qui vous intéressait dans ce format ?
Kim : Nous savions dès le départ qu’il s’agirait d’un projet sous-financé. L’analogique était un bon moyen de créer une atmosphère et quelque chose de réel, car la pellicule est un objet physique en soi.
Peut-on voir ce film comme une ode au fantastique ?
Tous les deux : On préfère voir le fantastique comme une ode au réalisme.
Propos recueillis par Nicolas Feodoroff