Sur une plage d’Algérie, des gamins barbotent, dorment, se chamaillent — puis, soudain, s’en vont en guerre. Ni Sa majesté des Mouches, ni La Guerre des boutons. Narimane Mari, pour son premier long-métrage empli de grâce, filme de près cette mêlée enfantine, au rythme accidenté d’une imagination qui emprunte au grand vrai, à l’Histoire nationale : à la guerre d’indépendance, rien de moins. Quand le « pour de faux » devient le moteur d’un emballement général, on progresse alors dans un éclat de cris et de paroles en l’air, aux trousses de cette volée d’enfants dont le pas décidé martèle les escaliers, envahit les maisons, et traverse les places de village, avant d’étendre le temps aux dimensions d’un rêve dans une chorégraphie d’ombres guerrières ou une exploration nocturne du cimetière qui annoncent les dangers à venir. Car Loubia Hamra joue, elle aussi, l’audace d’une inversion. À l’écrasant tragique — la colonisation, la guerre — elle substitue le fragile, à l’image de ces « petits poissons qui n’ont pas de message » flottant dans la Méditerranée, frontière mouvante qui ouvre et clôt le film. Sérieuse comme dans les jeux d’enfants, l’Histoire est ramenée à la taille sans mesure d’un fantastique théâtre de silhouettes, et d’autant plus grave que l’enfance n’y est pas engloutie, mais surnage, rivale, inaccomplie, libre encore d’un destin écrit. Narimane MARI
Céline Guénot