Clément Rosset est un philosophe à part. Nietzschéen sur sa pente joyeuse, ses textes célèbrent l’approbation au réel au nom de l’opacité de ce dernier. Et de Nietzsche, il retient aussi la place décisive faite à la musique. Or, c’est en effet ’de la musique’ qu’il est question ici. À discuter du paradoxe qu’elle constitue, lumineuse, flagrante, réjouissante, et dénuée pourtant de signification, le penseur et un jeune philosophe mexicain s’emploient, d’une manière très dix-huitième, dans un jardin, au milieu des beautés variées qu’offre Majorque et de quelques bouteilles d’alcool. Mais bien davantage qu’une conversation enregistrée, même éclairante, il s’agit, on peut faire confiance au tact de Jean-Charles Fitoussi, de mettre un film au pas de la musique. De faire plier la logique du montage à d’autres exigences que celles d’une progression descriptive, pour que les images et ce qu’elles transportent, se présentent en toute grâce, libres comme des trilles, sans l’alibi des discours, et que les raisonnements eux-mêmes soient emportés dans un rythme, une mélodie ou une simple aria qui les détachent de leurs seules volonté de signifier. Manifeste pour la pensée, manifeste pour la musique, mais pour le cinéma aussi, ces trois exercices, allégés du poids du docte, sont entraînés ensemble dans l’ivresse douce d’une danse telle que celle qui conclut le film. Jean-Charles FITOUSSI
Jean-Pierre Rehm