Shahriyar est éboueur à Kermanshah, Kurdistan. Son quotidien : les déchets et les rebuts. Mais Shariar a la tête ailleurs. Sa vie, c’est la littérature. Voilà un livre sur une étagère ou perdu par terre ? Shariar s’y abîme, au risque d’oublier le monde, sa famille, les exigences de son métier. Éclectique dans ses goûts, il prise autant London que Beckett, dont une photographie orne le mur de sa chambre, Shakespeare ou Dostoïevsky. Mais lire n’est pas assez, il écrit aussi, obstinément, remplissant carnets, cahiers, feuillets et paperoles d’histoires d’amour peuplées de belles princesses aux yeux bleus et aux parures de couleurs vives. De cette vocation ardente, il voudrait faire son métier, mais tout fait obstacle à cette « ascension » qu’évoque le titre. Incompréhension de son épouse et de ses collègues, critique acerbe d’aspirants écrivains comme lui dans un atelier d’écriture, tracasseries des voisins, échecs auprès des éditeurs. Seule audience prête à suivre ses envolées, un auditoire de pigeons domestiques sur sa terrasse, mais qui eux aussi, enclos derrière une grille, ne sont pas autorisés à gagner les cieux. Pour son premier film, Loghman Khaledi livre le portrait mélancolique d’un homme aux prises avec ses rêves. Sans condescendance, ni naïveté béate, Khaledi fait de son personnage l’ambassadeur manifeste des espoirs interdits, en butte contre l’étouffoir des conformismes d’une société où chacun est sommé de rester à sa place.
Nicolas Feodoroff